Voici le témoignage et la vision du graphisme culinaire d’Audrey Lorel, cheffe designer. Avec bien entendu une petite touche de durabilité.
Au sommaire :
- Guidée par la gastronomie et l’alimentation
- Principes d’écoconception au cœur de son travail
- On a tous un rôle à jouer
Guidée par la gastronomie et l'alimentation
Mais qui est Audrey Lorel ? Pour celles & ceux qui sont dans les métiers de la communication et de la communication culinaire qui plus est, si vous ne la connaissez pas , c’est bien étrange. Car Audrey, c’est un peu la pionnière du graphisme culinaire en France. Oui j’ose le dire et elle va peut-être rougir en lisant ces mots.
Audrey, je la connais depuis 2018, lorsque j’étais à la tête de mon agence de communication culinaire Food & Com. Et je peux vous confirmer qu’elle était un peu la seule graphiste culinaire. J’avais beau chercher des heures et des heures durant, elle était la seule spécialiste !
Enfin, cela ne vous avance certes à rien, mais c’est quand même important de le souligner car quand tu es graphiste depuis 2016 et que tu décides de te spécialiser dans la gastronomie, et bien, c’est un peu un pari. Et pari gagnant.
Aller en deux-deux je vous refais son parcours, mais si ça vous intéresse vraiment de la connaître dans les moindres détails, je vous invite à aller directement sur son site 👉 PAR ICI
Récapitulons, Audrey est graphiste indépendante depuis plus de 10 ans maintenant et spécialisée dans le culinaire depuis 7 ans. A la sortie de ses études, elle a l’énorme chance de décrocher un contrat avec un gros client, qui n’est autre que Vertigo Family, et ses fondateurs Julien Fouin et Ludovic Dardenay. (Fondé en 2008, le groupe compte aujourd’hui une équipe de 70 personnes pour un chiffre d’affaires avoisinant 10 millions d’euros). Et ça forcément, ça aide à se lancer, je dirais même à décoller ! 🚀
« J’ai travaillé trois ans pour eux et il se trouve qu’en trois ans, ils sont passés de trois restaurants à plusieurs projets : boulangerie, société de négoce en vin, Service Compris et une maison d’éditions pour la gastronomie. J’ai découvert avec eux l’univers de la bistronomie que je ne connaissais pas : bien sourcer ses produits, défendre la biodiversité et le goût. »
Puis, après trois ans de travail exclusivement pour eux, Audrey s’envole de ses propres ailes pour devenir 100% indépendante et décide de se spécialiser.
« C’était hyper rare à l’époque (2016), dans le culinaire il n’y avait pas de graphistes. Et moi, à ce moment-là je regarde en arrière et c’était une évidence. C’était la food parce que tout mon parcours m’avait gentiment mené jusque-là. Depuis que je suis spécialisée, je n’ai jamais manqué de travail, je suis devenue experte dans ce domaine. »
Aujourd’hui, Audrey créée des identités visuelles et tous les supports imprimés pour des restaurants gastronomiques et étoilés, des producteurs et fabricants autour de l’épicerie fine et des commerces de bouche.
Et croyez-moi, elle a plutôt un beau petit Portfolio 👇
Mais ce n’est pas tout ! Audrey a la chance aujourd’hui de pouvoir choisir ses clients et surtout choisir des projets dont les valeurs lui parlent. Profondément philanthrope et humaniste, elle a à cœur de travailler avec des artisans du bien-manger.
Sa conscience écologique s’éveille véritablement en 2021, suite à une formation de Virginie Bregeon « Territoires Comestibles ».
« Cette formation m’a ouvert les yeux sur notre système alimentaire, qu’il y a plein de choses qui n’ont aucun sens, qu’on marche un peu sur la tête. Je suis profondément terrifiée pour l’avenir de la planète, l’avenir de nos enfants. Donc c’est évident pour moi de travailler avec des personnes qui font bien. C’est la somme de toutes les petites actions qui pourront faire la différence. »
On peut dire qu’Audrey a réellement trouvé du sens dans son travail en se spécialisant non seulement dans le culinaire mais aussi dans les projets à impact ! (On se ressemble carrément sur ce sujet😅)
« Notre métier sert à ça. C’est important que les acteurs du bien-manger communiquent aussi et qu’on se batte avec les mêmes armes que les acteurs de l’industrie agroalimentaire. »
Les principes de l'écoconception au coeur de son travail
Bon mais ce n’est pas tout de travailler avec des acteurs qui ont une conscience écologique, c’est quand même mieux de leur proposer une communication qui elle aussi est réfléchie par rapport à son impact environnemental !
Et c’est ce que fait Audrey (Trop parfaite !). Certes, elle n’est pas experte de l’écoconception, ce n’est pas son premier métier comme elle me le souligne contrairement à Lucile Quéro (Formatrice de Create for Good) dont elle a suivi le guide et la formation.
Pour faire bref, chez Audrey, l’écoconception repose essentiellement sur des principes simples où selon elle il faut juste faire preuve de bon sens (Ah si c’était aussi simple ma petite Audrey, ça ferait depuis belles lurettes qu’on aurait que des supports de com et identité visuelle responsables 😅). Mais bon, c’est bien de voir le verre à moitié plein ^^
Les principes :
- Questionner le sens du support : la raison, le faire-valoir… Pourquoi je veux créer ce support ? Quel est son utilité, que m’apporte-t-il et surtout quelle est sa durabilité (dans le premier sens du terme : sa durée dans le temps).
- Utiliser le moins d’encres possibles : ça parait bateau, mais ça joue énormément dans l’impression de vos supports. Peu de couleurs, peu d’aplats, peu de contrastes. Il faut trouver le juste équilibre pour une consommation raisonnée et raisonnable.
- Pour la création des packagings : remplacer les plastiques d’origine fossile par des plastiques d’origine végétale et supprimer au maximum le plastique. Eviter le mélange de matière qui empêche la recyclabilité. Bien choisir son adhésif. Essayez de promouvoir la consigne et travailler sur une étiquette qui s’enlève facilement sans détériorer le verre.
Ce sont ici les trois principaux éléments qu’Audrey met en œuvre dans ses créations. Pour le reste et si vous voulez en savoir davantage sur l’écoconception, je vous propose d’attendre un peu. Je prépare un article spécifiquement sur ce sujet et peut-être que j’y interviewerai Lucile Quéro justement. J’y ajouterai d’ailleurs l’interview de Camille Poulain, fondatrice de Lichen, créatrice de projets éditoriaux impactant et durables. (Mais bon vu que ça va être un gros pavass, je vous invite à me suivre sur les réseaux sociaux pour être alerté.e – si le sujet vous intéresse of course).
Et pour comprendre un peu plus en pratique une identité visuelle et des supports écoconçus, quoi de mieux qu’un exemple concret ?
Pour Maison Médard, un restaurant étoilé dans le Berry, l’identité visuelle a été conçue selon les principes que je vous évoquais plus haut. Audrey a réalisé le logo avec très peu d’encrage et il se lit tout en « défonce » (je vous invite à consulter la page Wikipédia si vous ne savez absolument pas de quoi il s’agit par ici.) Les cartes de visites ont été réalisées en gaufrage, sans encres et le protège-menu a également été réalisé sans encres.
Et du coup en visuel ça donne ça 👇
Au-delà de proposer des créations écoconçues, je questionnais Audrey sur l’un des principes fondateurs d’une identité visuelle et ce pour quoi en fait, avant toute chose, l’écoconception repose sur la réflexion. Le fait que son identité visuelle puisse être pérenne c’est un peu la base, la racine du concept. Pour faire une petite analogie avec la maison, si les fondations sont solides pas besoin de refaire les murs et le toit tous les quatre matins. (Bon je ne travaille pas dans le bâtiment mais vous avez compris l’idée hein🤪). Ce que je veux signifier par-là, c’est que si vous changez de logo tous les 3 ans, non seulement ça va vous revenir ultra cher, mais l’impact écologique qu’aura la refonte de tous les supports sera également important.
Pour en revenir à notre sujet, ce qui rend une identité visuelle durable c’est avant tout l’intention et le sens qu’on y met derrière :
« Le meilleur moyen de rendre une identité visuelle durable dans le temps, c’est de lui faire raconter une histoire avec laquelle l’entreprise est profondément alignée, indépendamment des tendances graphiques, couleurs et typographies. »
On a tous un rôle à jouer
Pour finir cet entretien avec Audrey, qui sait en fait réaliser sous forme de vocaux d’une longueur interminable (toi-même tu sais 😅), je lui demandais le rôle qu’elle pouvait jouer dans la promotion de pratiques durables dans son secteur et notamment auprès de ses clients.
Elle m’a résumé tout ça en une bien belle phrase que je vous partage et que vous pouvez mettre dans un petit coin de votre tête parce qu’elle s’applique dans beaucoup de domaine :
« L’enjeu de note époque est de participer à l’effort collectif ».
Pour en revenir à ce rôle, Audrey m’explique qu’elle entrevoit son métier de graphiste culinaire avec un rôle d’éducation et de pédagogie. Qu’elle ne va pas forcer la vente de supports s’ils ne sont pas nécessaires, quand bien même on lui en aurait fait la demande. Elle s’entoure également d’autres prestataires du secteur (imprimeurs, fabricants de packaging, etc.) qui sont également alignés à ses valeurs créant ainsi un véritable écosystème.
Quand elle m’a parlé d’écosystème, de cette façon de concevoir le travail, les passerelles qui peuvent être faites entre différents acteurs d’un même domaine, essayer d’aller tous dans la même direction, etc. Ça m’a énormément fait penser à l’économie symbiotique (C’est quoi encore ce machin ?!).
Je vous invite à découvrir le livre de sa créatrice, Isabelle Delannoy « L’économie symbiotique : Régénérer la planète, l’économie et la société ». Mais grosso modo, en une phrase «L’économie symbiotique vise à rendre possible de faire vivre en harmonie les êtres humains et les écosystèmes. C’est là, la synthèse d’un grand nombre de techniques et de recherches : permaculture, économie circulaire, économie de la fonctionnalité, du partage, économie sociale et solidaire. L’économie symbiotique s’appuie sur la symbiose entre l’intelligence humaine, la puissance des écosystèmes naturels et la technosphère (les outils), en trouvant le juste équilibre entre les trois, il est possible de produire sans épuiser les ressources, mais en les régénérant. » (Bon ok y avait plutôt trois phrases😜)
Si vous n’y voyez aucun rapport, et bien moi j’y vois un, et je vais vous dire que c’est l’essentiel et qu’au pire je vous aurai donné de quoi lire.
Et voici la fin de cet article. J’espère que son contenu vous aura plu, que le portrait d’Audrey vous aura inspiré dans votre manière d’entrevoir votre identité visuelle et que pour vos prochains projets, vous penserez à ces principes !